- SPITZ (R.)
- SPITZ (R.)SPITZ RENÉ ARPAD (1887-1974)Psychiatre autrichien, né à Vienne, René Spitz, après des études de médecine à Budapest, à Lausanne et à Berlin, se tourne vers la psychanalyse et entreprend des recherches dans le service de psychologie expérimentale infantile de Charlotte Bühler à Vienne. Établi aux États-Unis, il devient professeur de psychologie psychanalytique à la Graduate Faculty du College of the City of New York (1956), puis professeur de psychiatrie à l’université du Colorado (1967).Ses travaux s’inscrivent dans un mouvement qui, datant de la Seconde Guerre mondiale, s’intéresse, notamment avec Melanie Klein et Anna Freud, aux premières années de la vie à partir de l’analyse d’enfants ayant atteint le niveau verbal. Observant directement le nourrisson dans son milieu naturel, Spitz s’efforce de préciser le rapport entre la personnalité de la mère et le développement de l’enfant. Il a publié sur ce sujet de nombreux ouvrages, dont certains sont traduits en français, notamment Le Non et le Oui. La genèse de la communication humaine (1962) et De la naissance à la parole. La première année de la vie de l’enfant (1968).Pour Spitz, la relation réciproque entre la mère et l’enfant (qu’il étudie par l’observation directe, à l’aide de films projetés au ralenti, au moyen de baby tests, et en associant la méthode longitudinale à la méthode transversale) est la matrice du développement des relations sociales. La formation de la relation d’objet se constitue dans la première année et passe par plusieurs stades: le stade préobjectal, le stade de l’objet précurseur et, enfin, le stade de l’objet proprement dit. Le premier correspond à peu près au stade narcissique primaire; c’est un état de non-différenciation par rapport à l’entourage. Le stade de l’objet précurseur survient environ au troisième mois, avec l’installation de ce que Spitz appelle le «premier organisateur»: l’enfant sourit au visage humain vu de face et en mouvement; il se tourne alors vers une perception extérieure, mais il ne s’agit là que d’un objet «précurseur», parce que le bébé ne reconnaît pas les qualités essentielles mais seulement des attributs superficiels de l’objet, qui n’est alors qu’un signal lié aux situations de nourriture ou de sécurité. Le stade de l’objet apparaît vers sept ou huit mois: l’enfant a peur de l’étranger si la mère est absente; il perçoit le visage de celui-ci en le confrontant aux traces mnémoniques du visage de la mère; c’est dire qu’il a alors formé une relation objectale véritable, que Spitz appelle le «second organisateur». Tandis que, dans les stades précédents, les deux grandes pulsions agressive et libidinale sont séparées, ainsi que le bon et le mauvais objet, le nourrisson, au sixième mois environ grâce à des expériences répétées et à une plus grande fonction intégrative du moi, arrive à fondre les deux objets (bon et mauvais) sur la personne, donnée perceptivement comme unique, de la mère: c’est à ce moment-là que se forme l’objet libidinal.Les conséquences de l’établissement de ce second organisateur sont très nombreuses: l’enfant comprend le geste social comme moyen de communication; il se défend en s’identifiant à ce geste; ses attitudes affectives se nuancent; il reconnaît l’utilisation de l’outil; il devient actif et vit chaque refus de la mère comme une frustration à ses pulsions, qui s’accompagne de poussées agressives de la part du ça et d’un mécanisme de défense, l’identification à l’agresseur.L’établissement d’une relation objectale normale dépend avant tout pour Spitz du comportement de la mère dans sa relation avec l’enfant. Celle-ci doit procurer autant de plaisir à la mère qu’au nourrisson, les satisfactions de ce dernier étant d’abord physiologiques, puis d’ordre libidinal. Spitz a précisément étudié les relations maternelles qui causent des troubles psychotoxiques chez le nourrisson: attitude de rejet, sollicitude anxieuse, oscillation entre la gâterie et l’hostilité. Mais les troubles les plus graves apparaissent lorsque la relation entre la mère et l’enfant devient brutalement insuffisante, à la suite, par exemple, d’un placement en institution, situation que Spitz appelle l’«hospitalisme». Une privation temporaire de la relation avec la mère provoque une dépression anaclitique: au bout de trois mois de séparation, l’enfant refuse tout contact, devient insomniaque, perd du poids, présente un retard moteur et une rigidité dans l’expression faciale. Ces troubles peuvent être réparés si l’on restitue l’enfant à la mère ou à un substitut avant quatre ou cinq mois de séparation. Dans une situation de carence totale, l’enfant devient complètement passif, sa coordination oculaire est déficiente, la motricité se manifeste sous forme de mouvements de persévération, tels que des balancements interminables. À l’âge de quatre ans, l’enfant ne sait ni marcher, ni parler, ni même se mettre debout. Ce syndrome est alors irréversible.
Encyclopédie Universelle. 2012.